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Projet de loi en France

Dérives sectaires en santé : le gouvernement muscle son jeu

Paris, le vendredi 17 novembre 2023 – Un projet de loi prévoit de renforcer l’arsenal législatif contre les dérives sectaires en santé, notamment en créant un nouveau délit.

Mauvaise nouvelle pour les amputés : un bras coupé ne peut pas repousser en buvant des jus de légumes. Non, pour faire repousser un membre amputé, les plantes médicinales et les jus sont évidemment nécessaires, mais il faut également s’appuyer sur la « foi » et l’ « énergie nerveuse ». C’est en tout cas la position défendue par Thierry Casasnovas, célèbre gourou naturopathe adepte du crudivorisme (un régime alimentaire consistant à ne manger que des aliments crus) dans sa dernière vidéo publiée sur Youtube dimanche dernier. Vidéaste aux plus de 600 000 abonnés, ce charlatan est l’une des principales manifestations de la montée des dérives sectaires dans le domaine sanitaire.

Si le phénomène des sectes est, de manière générale, en extension, avec une augmentation des signalements auprès de la Miviludes de 33,6 % entre 2020 et 2021, la mission interministérielle de lutte contre les sectes, la santé constitue l’un des domaines de prédilection des dérives sectaires. Plus de 25 % des saisines de la Miviludes (mission interministérielle de lutte contre les sectes) concernaient ainsi le domaine médical en 2021. Des dérives sectaires qui puisent bien souvent leurs sources dans les médecines alternatives, que les autorités qualifient pudiquement de pratiques de soins non conventionnelles (PSNC). L’homéopathie ou la naturopathie ont en effet désormais pignon sur rue : près de 40 % des Français y ont recours.

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Deux nouveaux délits pour lutter contre les dérives sectaires en santé

Les gourous et promoteurs de traitements alternatifs ont notamment profité de la crise sanitaire, qui a augmenté la défiance de la population envers la science, ainsi que des difficultés du système de santé en général, pour accroitre leur emprise sur leurs victimes. « Les sectes se positionnent là où elles savent très bien qu’il y a des adeptes potentiels or on est tous confrontés un jour ou l’autre à des problèmes de santé, directement ou indirectement » explique ainsi Pascale Duval, porte-parole de l’Unadfi (Union nationale des

sur les sectes et « d’éducation à l’esprit critique associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes).

Face à ce phénomène, la secrétaire d’Etat chargée de la citoyenneté Sabrina Agresti-Roubache a présenté ce mercredi en Conseil des ministres un projet de loi visant à renforcer l’arsenal législatif contre les sectes dans le domaine médical. Le texte vise notamment à la création de nouveaux délits. Sera ainsi désormais sanctionné le fait de « placer ou maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique quand cette situation aboutit à une dégradation grave de la santé ».

Un autre délit, punissable d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende sanctionnera « la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique lorsque ces actions présentées comme bénéfiques exposent les personnes concernées à des risques d’une particulière gravité pour leur santé ». Avec cette nouvelle infraction extrêmement précise, le gouvernement vise les cas ou des gourous incitent leurs adeptes à stopper des traitements vitaux, contre le cancer par exemple.

Des gourous déjà condamnables

Mais il faut savoir que la poursuite judiciaire de ces pseudo-médecins est déjà possible. En octobre 2021, le naturopathe Miguel Barthéléry avait été condamné à deux ans de prison avec sursis pour le décès de deux de ses adeptes, qu’il avait convaincu d’arrêter leurs traitements contre le cancer. Thierry Casasnovas lui-même est mis en examen depuis mars dernier pour exercice illégal de la médecine et abus de faiblesse.

Enfin, le projet de loi vise à mieux associer les ordres professionnels à la lutte contre ces dérives sectaires. Il prévoit ainsi que ces ordres seront systématiquement informés lorsque l’un de leurs membres aura été condamné même non définitivement ou placés sous contrôle judiciaire.

Ce projet de loi s’inscrit dans un plan plus global de renforcement de la lutte contre les sectes adopté par le gouvernement en mars dernier. L’exécutif envisage ainsi entre autres la création d’un comité chargé d’encadrer les PSNC, l’interdiction des publicités vantant les bienfaits des médecines alternatives contre les maladies graves ainsi que le lancement d’une campagne d’information».

Quentin Haroche

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